Quelques mots sur l’affaire Laurent Stefanini

Ce court billet est un développement de mes tweets sur l’affaire laurent Stefanini et s’adresse surtout à mes coreligionnaires. La plupart d’entre eux ne semble voir dans cette affaire qu’une agitation médiatique de plus. Or, je pense qu’elle est plus sérieuse et mérite de l’attention.

Pour ceux qui veulent se rappeler les détails de l’affaire et ses derniers rebondissements, je renvoie à l‘article de La Croix.

Beaucoup de catholiques croient que l’Eglise catholique ne traite de l’homosexualité que sous l’angle de la morale privée (en substance, non aux actes homosexuels). L’Eglise s’y intéresse aussi du coté social, plus précisément elle a déjà un enseignement consistant, bien que plus discret, sur la place des homosexuels dans la société. En gros, l’homosexualité est un « phénomène moral et social inquiétant » [1] qu’il faut « rappeler à l’État la nécessité de contenir le phénomène dans des limites qui ne mettent pas en danger le tissu de la moralité publique » [1]. Ce qui explique que l’Eglise s’oppose à la lutte contre les discriminations des homosexuels visibles, car ça reviendrait à reconnaître que leur comportement « déviant » ne l’est pas tant que ça. Je cite un passage de [2]

« Ils peuvent être légitimement limités en raison d’un comportement externe objectivement désordonné. Ceci est parfois non seulement licite mais obligatoire. D’ailleurs, ceci vaudrait non seulement dans le cas d’un comportement coupable mais même dans le cas d’actions de malades physiques ou mentaux. Il est ainsi accepté que l’État puisse restreindre l’exercice des droits, par exemple dans le cas de personnes contagieuses ou malades mentalement, afin de sauvegarder le bien commun. »

Plus loin, le document précise que ça concerne surtout ceux qui assument un comportement ou une orientation : « En règle générale, la majorité des personnes à tendance homosexuelle qui s’efforcent de mener une vie chaste ne rendent pas publique leur orientation sexuelle. Dès lors, le problème de la discrimination sur le plan de l’emploi, du logement, etc., ne se pose habituellement pas. » [2]

On le voit, l’Eglise a une lecture très restrictive de la notion de « discrimination injuste » puisque d’après [2], du moment que l’homosexuel est visible, toute discrimination est admissible.

Donc revenons à l’affaire Laurent Stefanini. Le candidat n’est ni marié ni pacsé et n’est pas militant LGBT. Il est juste un homosexuel qui assume ce qu’il est. D’après [2], il est donc légitime (et même obligatoire dans certains cas) de lui barrer l’accès à certains postes, comme être enseignant ou être militaire.

Avec l’arrivée du Pape François, et son fameux « qui suis-je pour le juger », on pouvait espérer une certaine détente sur les droits des homosexuels. C’est-à-dire que l’Eglise, tout en maintenant fermement son enseignement sur le mariage et sur la morale privée, pourrait manifester une ouverture sur les autres droits des homosexuels. Or le fait que le pape François refuse d’agréer ce diplomate car il ne cache pas son orientation sexuelle envoie un signal très négatif envers les homosexuels.

Nous croyons que Dieu est amour et qu’Il a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils. Nous ne pouvons persuader les autres de cette bonne nouvelle qu’en manifestant ce même amour envers tout le monde. Ceci implique entre autres défendre ceux qui sont opprimés et combattre les discriminations injustes. Le faisons-nous à propos des homosexuels, L’avons-nous fait ? Non, et non. Le ferons-nous ?
 

[1] Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles, note de la Congrégation pour la Doctrine de Foi.

[2] Observations au sujet des propositions de loi sur la non-discrimination des personnes homosexuelles, note de la Congrégation pour la Doctrine de Foi.

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2 commentaires pour Quelques mots sur l’affaire Laurent Stefanini

  1. sceptique dit :

    Il faut revenir au fondement quand même de la théologie catholique. La sexualité est encouragé dans le cadre de la constitution d’une famille ( et encore) qui est comprise comme issu d’une double filiation : les géniteurs (filiation biologique) sont les parents (reconnaissance sociale). L’homosexualité n’entre pas dans ce cadre et est donc considéré comme une mauvaise pratique par la religion catholique. Donc je ne vois pas ce qui vous surprends dans la décision du pape qui est souverain du Vatican. On peut avoir un avis différent , une religion différente sur le sujet, mais il faudrait m’expliquer en quoi le pape est incohérent sur le sujet de ne pas nommer un ambassadeur homosexuel au vu des textes et des exégèses catholique . Et donc en quoi il s’agit d’une discrimination à partir du moment où ce cadre fondamental est posé. Mon propos est que la discrimination n’est qu’effective ici si la communauté en question reconnait comme illégitime un interdit en faveurs de liens ou de pratiques.

    Cordialement et sans aucune provocation. Sceptique.

    • Ce qui me choque dans cette affaire c’est le décallage entre la phrase « qui suis je pour juger » et ce rejet d’une personne homosexuelle qui était fort appréciée par le Vatican avant qu’elle ne sorte du placard. Incohérence entre les paroles et les actes du pape et poursuite de l’hypocrisie : tant qu’on ne le sait pas officiellement, on peut faire comme si de rien n’était.

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